Archive pour la catégorie ‘Italia mia’
Italia s’è desta
Dimanche 9 avril 2006Rien à voir, mais note pour plus tard : au Parc Monceau, ne pas s’écouter Your disco needs you de Kylie à fond pour se donner du courage et faire un dernier tour en sprintant à toute vitesse : risque de semi-syncope et en tout cas grosse et inquiétante nausée…
Bon : ok les ritaux, c’est maintenant que ça se passe. Ça fait cinq ans que je tente d’expliquer que “c’est plus compliqué que cela” à tout ceux qui me disent que vous n’êtes que des guignols qui votez pour celui qui a la plus grosse gourmette, alors maintenant va falloir montrer que vous aviez juste besoin de vous faire peur, que c’était le dernier soubresaut légitime de vos illusions, le dernier hoquet de vos divergences sociétales, mais que désormais vous souhaitez passer aux choses sérieuses, même si ça promet d’être moins glitter.
On ramasse les copies demain et on regarde ce que ça donne à 15 heures, si j’ai bien compris. Les résultats seront ici.
Pour illustrer ce post spécial Italie, et dans un soucis purement informatif, je relaie la nouvelle campagne de pub pour les mutande de chez Dolce & Gabbana, qui ont fait appel à quelques footeux italiens pour servir de modèles. Je ne trippe pas spécialement sur les calciatori, mais ils ont semble-t-il laissé tomber la mode immonde des cheveux mi-longs avec serre-tête (sauf un qu’ils ont un peu caché au fond des photos), et c’est quand même bien mieux comme ça. Comme quoi, ils sont sur la bonne voie.
Italia mia (fin)
Vendredi 17 mars 2006«Il y a donc dans les clichés et dans les pulsions qui commandent le rapport à l’Italie, quelque chose qui dépasse le conjoncturel, et qui tient autant, sinon plus, au sujet regardant qu’à l’objet regardé. On peut hasarder l’hypothèse qu’il existe en France (et en Europe), un «désir d’Italie», contradictoire, mais profond. Tout se passe comme si l’Italie accomplissait pour les imaginaires étrangers une sorte de fonction universelle, en étant le lieu rêvé du «principe de plaisir», du défoulement, du relâchement des normes, l’autre visage en somme du «principe de réalité» et de l’éthique du labeur. L’Italie, dans cette hypothèse, offre aux pays d’ordre et d’autorité d’Europe du Nord la réalisation d’un besoin fondamental de désordre et de désobéissance, sans laquelle il n’y a pas d’équilibre vital (c’est du moins ce que soutiennent les psychologues). Il y aurait ainsi, dans cette Italie «désirée», l’antidote idéal aux lois rigides du productivisme nordique : et ce, indépendamment, ou en tout cas au-delà, de ce qu’est en réalité la Péninsule.»
Marcelle Padovani, L’Italie des Italiens, Seuil
Il y a bien de cela, je crois. Et que ce désir d’Italie soit indépendant de ce qu’est en réalité la Péninsule, tu m’étonnes !
Il faudrait que j’achève cette petit saga, qui commença avec mon imagination enfantine, et finit sur ses cendres. Mais je suis un peu coincé, à présent. Lorsqu’il s’agissait de décrire ces quelques fuites imaginaires de l’autre côté des Alpes, ma mythologie personnelle concernant ce pays, c’était facile, car subjectif. A présent, si je voulais poursuivre le récit, il me faudrait tout naturellement parler de la réalité que j’ai trouvée là-bas, au cours des quelques voyages qui ont suivi le premier. Et là, ça devient plus rigoureux, je ne voudrais pas enfiler des poncifs, comme “oh la la, ils conduisent n’importe comment” ou “c’est vrai qu’ils ont de bonnes pizzas”.
Si je voulais rester dans le domaine du subjectif, il faudrait seulement que je dise à quel point ce pays ne correspondait effectivement pas à l’image que je m’en faisais. Comment dire ? Moins glamour, moins esthète. Beaucoup plus grave, d’ailleurs, malgré les grands gestes et les rires forts. Malgré la si vantée dolce vita, il y règne un sentiment d’infortune, dans tous les sens du terme. Et forcément plus d’inquiétude qu’il n’y paraît. Mais toujours cette nonchalance, désordonnée et drôle. Drôle de cet humour si particulier, si sonore et si tendre, à l’arrêt du bus qui n’arrive pas, devant le gardien du musée qui est parti on ne sait où, devant l’usine qui ferme ou la mort qui rode. Et toutes ces mises en scène se jouent sous le projecteur-poursuite du soleil qui n’appartient qu’à ce pays, et qui fait resplendir jusqu’à la dernière pierre.
Enfin, dois-je le dire, je n’y ai jamais vraiment croisé le bataillon sacré d’apollons aux dents blanches que je me figurais y trouver…
Mais peu importe. Ce pays était si différent, au final, que la découverte de cette réalité a renouvelé, je crois, ma curiosité, en la débarrassant de ses présupposés imaginaires. Je l’ai accepté et je continue de m’évader en gardant un oeil sur ce qui se passe là-bas. Lorsque les débats français m’épuisent d’être rabâchés, je lis le Corriere pour savoir de quoi on parle à Rome ou à Naples. Lorsque TF1 me désespère, je regarde la Rai Uno pour l’être davantage. Quand j’ai envie de connaître d’autres épisodes de l’Histoire, je lorgne au-dessus des Alpes. Et quand vient l’été, j’essaie de les franchir pour de bon.
Si j’y avais eu la moindre de mes origines, j’aurais pu dire que l’Italie était un second pays. Mais ce n’est pas vraiment cela. De tout ce que j’ai dit, il ressort autre chose : l’Italie devenue pour moi un pays en plus.
Italia mia (7)
Jeudi 5 janvier 2006
Je ne saurais plus très bien dire ce qui me reste de ce premier contact avec la Péninsule. Tout est allé si vite. et malgré, ou plutôt à cause de mes yeux grands ouverts, je n’ai gardé que ces impressions décousues. A mon retour en France, curieusement, c’est surtout ce souvenir de chaleur qui m’est resté, et de ce petit détail thermique j’ai conçu toute une idiosyncrasie enveloppante, douce, chaleureuse. Confronté à sa réalité, l’Italie m’a secoué, c’était prévisible, mais sans rudesse. Aussi, contrairement à d’autres désirs fantasmés depuis longtemps, elle me donnait envie de la courtiser encore, bien que je l’aie visitée déjà.
Italia mia (5)
Vendredi 9 décembre 2005C’est encore un plaisir aujourd’hui, du reste. Mais nous en avons moins l’occasion. Et puis nous sommes plus sages. Et puis je bois moins. Et puis je suis non fumeur depuis le 3 avril 2004. Et puis nous vieillissons, en somme.
Bref. Nous prenons la route. Au bout de celle-ci, l’Italie. La vraie, la physique, avec des hommes et des femmes qui vivent leur vie, sans se douter que j’arrive. Ils n’auront pas fait le ménage. Il ne se seront pas endimanchés pour nous recevoir. Ils ne feront pas de manières. Ce sera l’Italie comme elle est, et non pas comme je l’ai fantasmée depuis si longtemps. J’en ai conscience, je me prépare. Et pour autant, j’appréhende un peu l’arrivée. Je suis heureux que notre périple soit si poussif, et que la route me donne encore un sursis avant d’ouvrir les yeux sur la réalité, après tant d’années passées, les yeux fermés, à imaginer.
Et nous roulons. Depuis une petite heure. On est à Langres. Il doit nous rester encore 1200 bornes ! Le temps est vraiment pourri. Il pleut un peu, mais nous rions, nous sommes excités comme des gosses. On blague, on imagine. Et ce n’est pas la petite batterie rouge sur le tableau de bord qui va saper notre bonne humeur. Je m’enquière quand même de sa signification dans le livret du constructeur, pour ne pas mourir idiot. L’alternateur ? Bof, ça doit être l’humidité.
Puis un gros bruit de mécanique détraquée sous le capot. Il faut s’arrêter. Il pleut. On aime bien quand ça part en vrille comme cela, on se demande toujours comment on va s’en sortir. Effectivement la courroie de l’alternateur est en bouillie.
Alors on cherche une maison pour téléphoner. Ca se passait encore comme cela au XXème siècle. On appelle le numéro d’assistance. Puis on attend le dépanneur. «Oh la la, les jeunes, ça ne se change pas comme ça, une courroie !» Il faut ammener la voiture au garage. On monte dans la dépanneuse.
Enfin un taxi passe nous prendre au garage. Car la voiture doit y rester deux jours. Retour à la maison.
Il est 23 heures. Je suis chez moi. J’appelle Chiara, en Italie, je tombe sur une de ses colocs. Je baragouine en italien que la voiture est cassée, qu’elles ne nous attendent pas. Je suis incapable de faire une phrase, et de comprendre ce qu’elle me raconte. Après des années à apprendre le rital, je me dis que c’est quand même minable. Je me couche. Je m’endors.
A suivre…
Italia mia (4)
Jeudi 1 décembre 2005Souvent la réalité démystifie, elle ramène certains rêves à leur juste échelle et incite à passer à autre chose.
Le hasard a voulu — mais est-ce si regrettable ? — que je n’ eusse de l’Italie qu’une vision idéale et fantasmagorique qui s’est incrustée en moi comme une légende mystérieuse que l’on n’oublie pas.
Je dois reconnaître cependant que, toutes archaïques qu’elles fussent*, mes recherches ont fait un bond en avant lorsque je suis arrivé en fac. Parce qu’une bibliothèque universitaire est un peu plus riche qu’un CDI, d’abord, et parce que quelques cours m’ont permis d’aborder la question italienne sous des angles un peu détournés, à travers l’art notamment, mais bien plus sérieux !
Mon apprentissage de la langue a également progressé dans cette grande ville où j’ai pu bouquiner des petits livres en italien, et lire la presse nationale. Le Corriere ou la Repubblica ont été les premiers outils qui m’ont permis de mettre le doigt sur les côtés les plus concrets, les plus quotidiens de la Péninsule.
C’est en ces occasions sans doute que, pour la première fois, entre un dico et mes clopes, je me suis dit que l’Italie était un sacré bordel.
A suivre…
* et de deux !
Italia mia (3)
Lundi 14 novembre 2005Se non è vero, è ben trovato. Traduisez : si ce n’est pas vrai, c’est bien trouvé. Quelques mots qui servent à conclure une histoire dont l’authenticité n’est pas très sûre, mais dont la chute ou l’argument valaient bien qu’on la raconte quand même. Des Italiens m’ont expliqué par la suite que cette expression n’était pas si utilisée que cela, mais je l’ai quand même gardée dans un coin de ma tête.
Parfois j’y repense quand j’entends quelqu’un raconter visiblement n’importe quoi. Je me dis alors que dans certains cas, la manière de raconter ou même l’audace de le faire compensent bien l’exigence de vérité dont je fais parfois preuve avec un peu trop de rigueur.
Et puis j’ai mis ces mots en haut de cette page. Je trouve ça bien. Ca instille juste ce qu’il faut de soupçons sur le contenu de ces lignes pour que ma pudeur soit soulagée lorsque, parfois, j’ai l’impression d’en dire un peu trop…
A suivre…
Italia mia (2)
Mardi 8 novembre 2005Premiers contacts, donc, avec ces garcons aux prénoms magiques, et premiers doutes, surtout, sur les qualités génétiques que je leur attribuais par axiome. Ils n’étaient pas spécialement beaux, mais plutôt boutonneux, la tignasse crade et l’air un peu abruti. Très conformes à ce que nous étions nous-mêmes, en somme. Qu’importe ! Je n’allais pas jeter au pilon toutes mes belles doctrines pour quelques malheureux contre-exemples et je décidai de m’accrocher fermement à mes convictions.
Mon amie aux origines italiennes hébergeait une de ces correspondantes. Elle s’appelait Monica, elle n’était pas très sexy, mais je suis sorti avec. Je ne saurais pas bien expliquer pourquoi. Cela ne pouvait pas être autrement, c’est tout. Notre couple improbable m’a surtout donné l’occasion de mettre enfin en pratique mes quelques notions d’italien, et de perfectionner mon art du roulage de pelles. Cette dernière activité nous permettant d’occuper nos bouches lorsque nous n’avions plus rien à nous dire. Or nous n’avons plus rien eu à nous dire après une minute de conversation, lorsque j’eus épuisé toutes mes ressources de vocabulaire et alors que nous avions quelques journées à passer encore ensemble.
Autant dire que, très vite, je n’ai plus rêvé que d’une chose : voir ce foutu bus, toujours stationné devant le lycée, se tirer fissa avec ma Monica et ses copains-copines de l’autre côté des Alpes. Quel enfer !
Cet équipage ne m’a pas laissé indemne. Outre l’écriture laborieuse d’une carte postale que j’envoyais à Monica en réponse à une lettre de sa part, couverte de «Ti voglio bene», je réalisai que l’Italie à laquelle je devais m’attendre serait bien plus prosaïque que celle dont je rêvais constamment. Contrairement à ce que me disait depuis toujours mon imagination, ce pays n’était pas fait d’un empilement de mythes, mais d’hommes et de femmes assez semblables à ceux qui m’entouraient déjà. Je commençais à me le dire en tout cas. Quant à savoir si je m’écoutais…
Par contre, une chose était certaine : en attendant ma prochaine rencontre avec l’Italie, je devais sérieusement bosser l’italien car, à présent, ça ne faisait plus de doute, j’étais vraiment nul à chier.
A suivre…
Italia mia (1)
Lundi 31 octobre 2005Je n’avais donc pas dix ans quand je décidai que l’Italie était le paradis sur terre.
Conscient que ma capacité d’action était limitée par mon jeune âge, j’ai alors entrepris un vaste travail documentaire, à base de «Tout l’univers» et des quelques Astérix de la fratrie, pour préparer le jour où je pourrai m’embarquer pour la terre promise. Les choses sont devenues plus sérieuses à partir de la quatrième, quand les cours de latin où l’on évoquait ces mœurs étranges, ces histoires mythologiques obscures et libidineuses et ces récits de guerriers courageux m’ont donné l’impression d’aborder enfin pour de bon les bases du sujet.
A la même période, dois-je encore avouer, je me souviens d’une amie qui avait des origines italiennes et un frère très beau. J’ai passé des années à admirer ce type qui faisait partie des grands, ce qui ajoutait bien sûr à son prestige et à son inaccessibilité. Prestige et inaccessibilité : il était l’incarnation de ce que l’Italie représentait toujours pour moi. Bien sûr, quand on est gamin et pas trop bête, on met au point des plans tortueux au possible pour approcher ses idoles et je me suis donc mis à l’oeuvre. J’ai logiquement fini par discuter avec lui de temps en temps. Je crois d’ailleurs qu’il m’aimait bien, ce qui me confortait dans l’idée qu’il y avait bien quelque chose de compatible entre ce qu’il représentait, et moi.
Mais ce qu’il y a de plus étonnant dans ce désir d’Italie, c’est que j’aurais été bien incapable de dire ce que je désirais vraiment, concrètement. Etait-ce une ville ? Un monument ? Les traces d’un personnage que je voulais suivre ? Je n’en sais vraiment rien. Dans le souvenir qui m’en reste, ça ressemblait plutôt à une espèce de nostalgie, au sens propre, pour un paradis perdu…
Une telle mythologie personnelle et enfantine peut-elle survivre à l’âge bête ?