Italia mia (5)
C’est encore un plaisir aujourd’hui, du reste. Mais nous en avons moins l’occasion. Et puis nous sommes plus sages. Et puis je bois moins. Et puis je suis non fumeur depuis le 3 avril 2004. Et puis nous vieillissons, en somme.
Bref. Nous prenons la route. Au bout de celle-ci, l’Italie. La vraie, la physique, avec des hommes et des femmes qui vivent leur vie, sans se douter que j’arrive. Ils n’auront pas fait le ménage. Il ne se seront pas endimanchés pour nous recevoir. Ils ne feront pas de manières. Ce sera l’Italie comme elle est, et non pas comme je l’ai fantasmée depuis si longtemps. J’en ai conscience, je me prépare. Et pour autant, j’appréhende un peu l’arrivée. Je suis heureux que notre périple soit si poussif, et que la route me donne encore un sursis avant d’ouvrir les yeux sur la réalité, après tant d’années passées, les yeux fermés, à imaginer.
Et nous roulons. Depuis une petite heure. On est à Langres. Il doit nous rester encore 1200 bornes ! Le temps est vraiment pourri. Il pleut un peu, mais nous rions, nous sommes excités comme des gosses. On blague, on imagine. Et ce n’est pas la petite batterie rouge sur le tableau de bord qui va saper notre bonne humeur. Je m’enquière quand même de sa signification dans le livret du constructeur, pour ne pas mourir idiot. L’alternateur ? Bof, ça doit être l’humidité.
Puis un gros bruit de mécanique détraquée sous le capot. Il faut s’arrêter. Il pleut. On aime bien quand ça part en vrille comme cela, on se demande toujours comment on va s’en sortir. Effectivement la courroie de l’alternateur est en bouillie.
Alors on cherche une maison pour téléphoner. Ca se passait encore comme cela au XXème siècle. On appelle le numéro d’assistance. Puis on attend le dépanneur. «Oh la la, les jeunes, ça ne se change pas comme ça, une courroie !» Il faut ammener la voiture au garage. On monte dans la dépanneuse.
Enfin un taxi passe nous prendre au garage. Car la voiture doit y rester deux jours. Retour à la maison.
Il est 23 heures. Je suis chez moi. J’appelle Chiara, en Italie, je tombe sur une de ses colocs. Je baragouine en italien que la voiture est cassée, qu’elles ne nous attendent pas. Je suis incapable de faire une phrase, et de comprendre ce qu’elle me raconte. Après des années à apprendre le rital, je me dis que c’est quand même minable. Je me couche. Je m’endors.
A suivre…