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Loïc

Dans mon tout premier cahier, j’ai retrouvé le prénom d’un garçon. Je ne l’avais pas vraiment oublié, mais j’avais oublié le déchaînement de midinette dans lequel il m’avait plongé ! Rien de comparable avant cela !

Avant lui, les autres garçons du lycée qui me tapaient dans l’œil ne valaient que quelques lignes dans lesquelles je manifestais mon espoir qu’ils se trouvent rapidement une nana pour que je puisse penser à autre chose. Je n’avais pas beaucoup d’illusions sur les mœurs de mes camarades. Quand bien même l’un d’eux eût été sur la brèche, j’aurais été bien incapable de l’aider à révéler sa vraie nature, alors…

Mais lui, lui a dû arriver à un moment où mes hormones commençaient à cogner aux parois. Son visage a fendu mon armure fragile et c’était parti pour un déferlement de pages noircies de descriptions de ses yeux noirs, de ses cheveux, de sa peau… Si si…

A chaque rentrée, il y avait toujours quelques nouveaux venus, dont on ne savait rien, dont j’imaginais tout. Même si je sentais d’avance l’impasse prochaine, j’aimais bien que l’un d’eux me plaise. Parce qu’aussitôt, je partais en mission. Enquête spéciale. Top secret ! Agent double en filature ! Ça me distrayait…

Il fallait observer les salles d’où il sortait, et qui il fréquentait, pour avoir une idée de sa promo et de son numéro de classe. Il fallait roder autour des cartes de self, avant distribution le matin… S’il était interne, ou demi-pensionnaire, je pouvais alors trouver son nom, ce qui me permettait, entre autre, de personnaliser mes proses d’amour…

Ensuite, par quelques questions innocentes et bien amenées dans mon réseau, je pouvais en savoir plus sur ses antécédents…Et puis s’il s’intéressait à une fille en particulier, etc. Je tissais alors cette trame invisible de renseignements autour de lui, ce qui devait être une espèce de façon de le rapprocher de moi au moins dans ces filets virtuels… N’est-ce pas docteur ?

C’est donc aussi ce que j’ai fait pour lui, avec d’autant plus d’acharnement que j’en étais dingue. La consécration de ce long travail de renseignements était la rencontre. Délicate à mettre en place lorsque nous n’étions pas au même niveau de classe, ce qui était le cas pour lui. Il fallait être avec la bonne personne, au bon moment, au bon endroit. Mais ce fut fait. De toute façon, ça ne pouvait pas ne pas être fait. Muss es sein ? Es muss sein !, comme dirait l’autre…

Lors de cette rencontre, j’ai fait je crois une espèce de cour nuptiale tout en tentant de garder une saine retenue en laissant néanmoins filtrer un peu d’humour et de charme. En d’autres termes, j’ai dû sortir un paquet de conneries incompréhensibles en étant tout flippé. Bof…

Et puis quoi ? Comme pour les autres, j’ai vaguement espéré, espéré quoi d’ailleurs… Si ces garçons étaient aussi coincés que moi, je ne vois vraiment pas comment quoi que ce soit aurait pu se passer… C’est le plus absurde, finalement… Et puis la fin de l’année, j’ai passé mon bac et je suis parti. Fin de l’histoire.

Enfin ce qui est drôle, c’est qu’en même temps que je retrouvais son prénom sur ce cahier, je retrouvai mes réflexes d’adolescent… Aujourd’hui, Google remplace les cartes de self… Heureusement ! Qu’est-il donc devenu ? Pas facile de le pister… Ah et puis voilà, ça s’imbrique, ça s’enchaîne, ça se déduit… C’est étrange de revoir son nom, de l’imaginer aujourd’hui derrière ce nom, quatorze ans après… Pas de surprises, néanmoins. Comme beaucoup de types venant du département d’où il venait, il a fait des études agricoles, sans doute pour suivre les traces de papa, en plus savant. Il semblerait qu’il bosse dans une grosse boîte de matos agricole… Et qu’il habite dans le bled où il a grandi, et dont le père, ponte régional, est maire. D’ailleurs, ironie de l’histoire, j’ai bien l’impression que son père faisait partie des maires signataires de la pétition anti-pacs de 1999… Quel tableau !

Je suis soulagé, je ne pense pas être passé à côté d’une fantastique rainbow love-story !

Je me demande quand même si je ne pousserai pas un jour le vice jusqu’à aller dans ce bled pour voir à quoi il ressemble à présent… Ça irait bien avec ma personnalité un peu tordue, mais ce serait sans doute un crève cœur, car je suis presque sûr de savoir de quoi il a l’air aujourd’hui.

Ils sont nombreux, les garçons que j’ai connus au lycée, fils d’exploitants agricoles friqués, qui avaient des gueules d’anges, des carrures séduisantes et des rires francs, que j’ai revus quelques années plus tard vaincus par l’atavisme de la terre. Femme vite trouvée, vaille que vaille, et en route la marmaille et le gros bide du bon père travailleur et bien nourri. Dans ce milieu, me semble-t-il, les garçons se pressent plus qu’ailleurs de ressembler au patriarche, et les filles à leur mère… Question de nécessité sans doute… C’est parfois un peu triste quand même…

Enfin, je lui souhaite de toute façon d’être marié et d’avoir des gosses et un gros bide. Si c’est bien lui qui vit dans ce bled et bosse dans cette boîte, j’espère qu’il ne passe pas ses soirées sur un réseau gay…

Chacun son chemin…

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